Serbie : le gendre de Trump renonce à un projet hôtelier controversé dans l'ex-QG bombardé de l'armée yougoslave
Sur fond de soupçons de corruption, le gendre du président américain Donald Trump a finalement renoncé à un projet controversé de construction d'hôtel dans les ruines de l'ancien QG de l'armée yougoslave, bombardé par l'Otan à Belgrade en 1999.
Dénonçant une "chasse aux sorcières menée contre l'investisseur et contre tout type de changement", le président serbe Aleksandar Vucic a confirmé mardi l'abandon de ce projet après le retrait de la société d'investissements liée au gendre de Trump, Jared Kushner.
"Nous allons maintenant avoir un bâtiment détruit et ce n'est plus qu'une question de temps avant que les briques et les autres parties tombent en morceaux car plus personne n'y touchera jamais plus", a déploré devant les médias le président Vucic, qui a toujours publiquement soutenu ce projet.
La société de Jared Kushner, Affinity Partners, a annoncé lundi au Wall Street Journal son retrait de projet de construction d'un hôtel de luxe, d'une valeur d'au moins 750 millions d'euros (880 millions de dollars), selon M. Vucic.
"Les projets d'envergure doivent unir plutôt que diviser, et par respect pour le peuple serbe et la ville de Belgrade, nous retirons notre candidature et nous nous retirons du projet pour le moment", a déclaré un porte-parole de la société au journal.
"Notre vision (...) était d'offrir un design élégant et inspirant qui honore les progrès de la Serbie", a glissé au passage ce porte-parole, alors que des images précédemment diffusées sur les réseaux sociaux promettaient deux tours lumineuses sur le site.
- "Patrimoine culturel" -
Cette annonce est intervenue après l'inculpation lundi du ministre serbe de la Culture Nikola Selakovic et de trois autres personnes pour "présomption d'illégalité" dans le processus d'approbation du projet hôtelier lié à Jared Kushner.
Le Parquet chargé de la lutte contre le crime organisé a indiqué lundi dans un communiqué avoir inculpé ces personnes pour abus de pouvoir et falsification du document officiel qui avait permis de supprimer le "statut de patrimoine culturel" du site.
Le directeur par intérim de l'Institut pour la protection des monuments culturels, Goran Vasic, a ultérieurement reconnu avoir falsifié ce document officiel.
M. Vasic est l'une des personnes inculpées avec le ministre Selakovic et deux autres responsables. S'ils sont reconnus coupables, ils encourent jusqu'à cinq ans de prison.
Le projet avait été suspendu en mai. Des allégations avaient alors émergé selon lesquelles la décision de révoquer son statut de "bâtiment protégé" avait été fondée sur un document falsifié.
Le sujet est sensible en Serbie car il s'agit de bâtiments bombardés plusieurs fois en 1999 lors de la campagne aérienne de l'Otan menée par les Etats-Unis qui mis fin à la guerre au Kosovo (1998-1999).
D'architecture moderne brutaliste, typique de l'ère soviétique d'après-guerre, les bâtiments de l'ancien QG de l'armée détruit par les bombes otaniennes sont situés au coeur de la capitale serbe. L'un des immeubles rectangulaires conserve toujours sa façade éventrée, avec ses étages en partie effondrés.
- Bombardé mais "protégé" -
En face du gouvernement et du ministère des Affaires étrangères, le complexe avait été construit en 1965 et avait obtenu le statut de monuments protégés en 2005. Il était inspiré du canyon de la rivière Sutjeska, où les partisans communistes de Tito ont remporté une bataille décisive contre les forces allemandes en 1943.
Des manifestations y ont été organisées en novembre dernier, les protestataires défendant surtout la valeur de symbole du site, en souvenir des bombardements de 1999.
Malgré l'enquête en cours, les législateurs avaient décidé le mois dernier d'accélérer le projet, affirmant qu'il s'agissait d'un projet urgent.
Affinity Partners, l'entreprise de Jared Kushner - accueilli plusieurs fois en Serbie par le président Vucic - avait signé en 2024 un contrat de location d'une durée de 99 ans avec le gouvernement pour réaménager le site.
Le président Vucic n'a eu de cesse de soutenir ce "projet extraordinaire", critiquant régulièrement l'enquête en cours.
"Je ne leur donnerai pas l'occasion de poursuivre ceux qui ne sont coupables de rien. Je suis coupable. C'est moi qui ai voulu la modernisation de la Serbie. C'est moi qui ai voulu attirer un investisseur majeur", a lancé M. Vucic lundi lors d'une visite à Nis (sud). Le président nationaliste fait face depusi un an à une vague de manifestations antigouvernemetnales et pour exiger des élections anticipées.
Le deuxième partenaire du projet est le promoteur immobilier Eagle Hills des Émirats arabes unis, impliqué depuis fin 2015 dans un vaste projet de réaménagement d'une grande partie des rives de la Save, un affluent du Danube.
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L.Mitchell--SMC