
Asie du Sud-Est: des discussions tripartites "en réponse à l'appel de l'époque"

Le Premier ministre chinois Li Qiang a estimé mardi que le tout premier sommet entre son pays, les dirigeants d'Asie du Sud-Est et les États du Golfe constituait "une réponse à l'appel de l'époque" dans un monde géopolitiquement incertain.
Les dirigeants du bloc régional, réunis à Kuala Lumpur, sont confrontés au défi de la hausse drastique des droits de douane américain annoncée en avril par le président Donald Trump.
Malgré l'annonce d'une pause de 90 jours pour la plupart des pays, la décision américaine a incité l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) à accélérer ses efforts pour diversifier ses réseaux commerciaux.
Mardi, un sommet a réuni les dix pays membres de l'Asean, la Chine représentée par son Premier ministre Li Qiang et le Conseil de coopération du Golfe (CCG), un bloc régional composé de Bahreïn, du Koweït, d'Oman, du Qatar, de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
"Dans le contexte d'une situation internationale volatile", ce sommet est "un travail pionnier de coopération économique régionale", a estimé M. Li. "Il ne s'agit pas seulement d'une continuation du cours de l'histoire, mais aussi d'une réponse à l'appel de l'époque".
Souvent critiquée pour son inaction, l'Asean a traditionnellement servi d'"intermédiaire" entre les économies développées comme les États-Unis et la Chine, observe Chong Ja Ian, de l'Université nationale de Singapour (NUS).
"Compte tenu de l'incertitude et de l'imprévisibilité associées aux relations économiques avec les États-Unis, les États membres de l'Asean cherchent à se diversifier", ajoute-t-il. "Faciliter les échanges entre le Golfe et la Chine est un aspect de cette diversification".
- "Opportun et calculé" -
Pékin, qui a subi de plein fouet la hausse des droits de douane américains, cherche également à consolider ses autres marchés.
La Chine et l'Asean sont déjà les principaux partenaires commerciaux l'une de l'autre et les exportations chinoises vers la Thaïlande, l'Indonésie et le Vietnam ont très sensiblement augmenté en avril, un phénomène attribué à un réacheminement des marchandises chinoises prévues initialement à destination des États-Unis.
La participation du Premier ministre chinois à ce sommet est "à la fois opportune et calculée", estime Khoo Ying Hooi, de l'Université de Malaya.
Selon un projet de déclaration consulté par l'AFP, les dirigeants de l'Asean vont exprimer leur "profonde inquiétude (...) face à l'imposition de mesures tarifaires unilatérales".
L'Asean avait cependant déclaré plus tôt dans l'année qu'elle n'imposerait pas de droits de douane en représailles contre Washington.
"Il est peu probable que le bloc approuve formellement une position pro-chinoise sur les droits de douane américains", ajoute Mme Khoo.
- "Amis de la Chine" -
L'Asean a toujours traditionnellement adopté une position de neutralité vis-à-vis des États-Unis et de la Chine.
Pékin n'est que la quatrième source d'investissement direct étranger en Asie du Sud-Est, après les États-Unis, le Japon et l'Union européenne, rappelle M. Chong.
Mardi, le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim a promis que l'ASEAN continuerait à dialoguer avec Washington et Pékin.
"La position de l'Asean est centrale", a déclaré M. Anwar, ajoutant: "si cela signifie travailler avec les Chinois, oui, nous le ferons".
Cependant, "il est tout à fait logique de continuer à s'engager et d'entretenir des relations raisonnablement bonnes" avec les États-Unis, a-t-il souligné.
Le dialogue avec Washington est particulièrement important, car la Malaisie est devenue une plaque tournante des semi-conducteurs, a-t-il déclaré.
Les semi-conducteurs sont devenus un point central des restrictions commerciales imposées par Washington, qui tente d'empêcher la Chine de saper la domination américaine en matière d'intelligence artificielle.
M. Anwar a indiqué lundi avoir écrit à M. Trump pour demander la tenue d'un sommet Asean-États-Unis cette année. Washington n'a pas encore répondu, a précisé son ministre des Affaires étrangères.
Mais un rapprochement avec Pékin ne manque pas de soulever des problèmes, alors que les tensions entre la Chine et plusieurs pays membres de l'Asean en mer de Chine méridionale continuent de peser dans leurs relations.
Lundi, le dirigeant philippin Ferdinand Marcos Jr avait estimé qu'il y avait un "besoin urgent" à adopter un code de conduite juridiquement contraignant dans la région.
A.Landry--SMC