
Côte d'Ivoire: à Abidjan, une ancienne décharge transformée en parc urbain

Difficile de croire que sous l'herbe fraîche et les infrastructures flambant neuves du parc d'Akouédo sont stockées des millions de tonnes de déchets qui, pendant des décennies, ont pourri la vie et la santé des riverains de ce quartier de l'est d'Abidjan.
Ouverte en 1965, la décharge d'Akouédo a fermé ses portes en 2018 pour se transformer en un grand parc urbain d'une centaine d'hectares, un espace vert rare dans la capitale économique de Côte d'Ivoire, forte de six millions d'habitants et à l'urbanisation galopante.
Après cinq ans de travaux, le parc est prêt à ouvrir ses portes, même si la date d'ouverture officielle n'est pas encore connue.
Un changement de décor radical plus que bienvenu pour les habitants d'Akouédo, où la décharge - qui accueillait notamment des déchets toxiques dangereux - était à l'origine d'importants problèmes sanitaires, écologiques et sécuritaires.
"On a beaucoup souffert", témoigne à l'AFP Célestine Maïlé qui habite Akouédo depuis plus de 30 ans. Aujourd'hui, "ça fait du bien de respirer" sourit-elle, émue de découvrir le nouveau visage du site.
"Il y avait des montagnes d'ordures et en dessous l'eau coulait partout", se souvient-elle.
En plus de l'exposition aux odeurs et aux nuisibles, cette décharge constituait "un problème de santé publique majeur", estimait en 2019 une étude menée par des scientifiques ivoiriens sur les risques toxicologiques de la cohabitation avec ses déchets.
Les auteurs de l'étude préconisaient "la fermeture et la réhabilitation" urgente du site, assurant que les populations vivant aux alentours de la décharge d'Akouédo étaient "clairement exposées aux intoxications de polluants" dangereux, comme le plomb, le mercure ou le chrome, cancérigène.
L'exposition à cette pollution a aussi favorisé des affections telles que le paludisme, des gastro-entérites, ou encore des troubles respiratoires, soulignaient les chercheurs.
"Les ordures entraînaient des maladies", confirme Célestine Maïlé qui souffre elle-même de problèmes aux yeux liés à des décennies de vie près de la décharge.
Selon la riveraine, Akouédo était en outre "devenu le coin des drogués", où les agressions étaient courantes.
-"Une réparation"-
"Ce dépotoir, c'était vraiment comme si nous étions au cimetière", explique Séverin Alobo, directeur de cabinet de la chefferie du village d'Akouédo.
Pour le représentant de l'autorité traditionnelle du village, la création du parc d'Akouédo est "une réparation" pour les habitants.
"Le nom d'Akouédo ne sera plus associé à une décharge, mais à un beau parc urbain", s'est de son côté félicité Bouaké Fofana, ministre ivoirien de l'Hydraulique, de l'Assainissement et de la Salubrité.
"Ce qui a été perdu a été amplement regagné", assure le ministre, précisant que 750 emplois directs et indirects ont été créés avec ce projet, qui comprend aussi la création d'un marché, la construction d'un collège et la rénovation de deux kilomètres de voirie dans le quartier.
Le projet, financé par l'Etat ivoirien à hauteur de 124 milliards de francs CFA (189 milions d'euros), comporte également un volet environnemental. Les déchets stockés sous le parc sont désormais valorisés en ressources énergétiques, grâce à un système de drainage et de captage.
Le biogaz et les liquides issus de la fermentation des 53 millions de tonnes de déchets accumulés sont transportés vers une usine où ils seront transformés en électricité, afin d'alimenter le parc, ainsi qu'une partie du réseau national.
Le parc comporte également une "Maison de l'environnement" pour accueillir des événements "autour des enjeux environnementaux contemporains", a indiqué M. Fofana.
Les visiteurs pourront également profiter d'aires récréatives et sportives, notamment d'un court de tennis et de deux terrains de football, d'une grande passerelle serpentant dans une forêt tropicale en devenir, ainsi que de potagers partagés.
Longtemps seul site de stockage de déchets de la ville, la décharge d'Akouédo a été remplacée par un centre d'enfouissement à Kossihouen, dans la banlieue d'Abidjan, à la capacité de stockage quatre fois supérieure.
P.Lefebvre--SMC