
Le retour du bison dans le Far West fait "renaître" l'écosystème de Yellowstone

Quoi de plus emblématique du Far West américain que le bison, mammifère géant à longs poils dont des dizaines de millions de spécimens parcouraient autrefois les grands espaces, avant d'être presque exterminés par l'Homme blanc lors de la conquête de l'Ouest.
Une étude publiée jeudi en Une de la revue Science ("Return of the Herd", "Le retour du troupeau", ndlr) révèle que la réintroduction des plus grands mammifères terrestres d'Amérique du Nord sur leurs terres ancestrales redonne vie aux écosystèmes des plaines, avec des bénéfices pour toute la chaîne alimentaire.
Les scientifiques pensent depuis longtemps que les bisons sont une espèce "clé de voûte", c'est à dire une pièce maîtresse de la nature, qui a façonné le paysage des prairies américaines, grâce au pâturage et à la dispersion des poussières et des graines.
Des recherches plus anciennes ont même conclu que leurs immenses troupeaux avaient permis d'enfermer le carbone dans les sols.
De toutes dernières découvertes, dans le parc national de Yellowstone (Wyoming, ouest), montrent à quel point leur influence peut être spectaculaire pour la santé des écosystèmes lorsque les bisons peuvent errer en liberté.
En broutant les herbes, l'animal accélère le cycle de l'azote, enrichissant les plantes en nutriments. Résultat: un fourrage plus riche de plus de 150% en protéines et un bénéfice pour toutes les bêtes qui se nourrissent de la prairie, des wapitis et cerfs aux antilopes et mouflons d'Amérique.
"C'est vraiment une renaissance de ce qui existait dans le passé," se réjouit Bill Hamilton, co-auteur de l'étude et professeur à Washington and Lee University (Virginie, est).
Il y quelque 200 ans, les troupeaux de bisons étaient si gigantesques que le vacarme de leurs déplacements résonnait comme le grondement de l'orage au loin.
- Conquête de l'Ouest -
On estime qu'ils étaient entre 30 et 60 millions au début du XIXe siècle. Puis vint le chemin de fer de la conquête de l'Ouest.
La construction d'une ligne transcontinentale s'accompagna d'une terrible extermination: des chasseurs blancs abattant les animaux depuis les trains, laissant les carcasses pourrir et se fournissant en peaux précieuses.
Il s'agissait aussi d'affamer des tribus d'Amérindiens, pour qui le bison était vital, économiquement et culturellement.
Au début du XXe siècle, l'espèce était quasiment éteinte. Puis, le mammifère a été progressivement réintroduit dans l'Ouest, pour atteindre environ 400.000 têtes.
Mais ce sont aujourd'hui de petits troupeaux, appartenant à des ranchs privés ou des réserves.
A Yellowstone, il reste 5.000 bisons, libres comme autrefois, qui parcourent quelque 1.600 kilomètres par an à coups d'aller-retours migratoires d'environ 80 km par jour.
Ce qui fait du tout premier parc national des Etats-Unis un très rare laboratoire scientifique à ciel ouvert.
- Politique de Trump -
Entre 2015 et 2021, une étude du biologiste des Parcs nationaux, Chris Geremia, a permis de suivre les mouvements et les habitudes de pâturage des animaux dans leur habitat, mesurant la croissance des plantes, le cycle des nutriments, la chimie du sol.
En comparant les parcelles pâturées et celles qui ne le sont pas, les résultats montrent que les bisons qui errent et migrent maintiennent coupées les herbes et les fleurs sauvages, cette végétation demeurant dense et riche en protéines et étonnamment variée.
"Les herbes exsudent du carbone dans le sol après avoir été pâturées et cela stimule les espèces microbiennes pendant 48 heures", selon Bill Hamilton.
Cette poussée microbienne se traduit par davantage d'ammonium et de nitrates, faisant encore croître la faune et la flore.
Les excréments et l'urine des bisons ajoutent encore une dose d'azote, ce qui dope l'effet fertilisant.
Ces résultats sortent au moment où la protection de la faune et de la flore n'est plus la priorité du nouveau gouvernement de Donald Trump, qui privilégie les intérêts des agriculteurs.
Des fermiers accusent les bisons en liberté d'être une nuisance, de détruire les clôtures, de se mélanger au bétail et de propager des maladies.
Ce que conteste Jerod Merkle, co-auteur de l'étude de l'Université du Wyoming, pour qui le bénéfice écologique est indéniable: les bisons sont "une espèce qui crée de l'hétérogénéité, qui a besoin de grands espaces pour se déplacer", permettant ainsi de les préserver.
S.Clark--SMC